RCHIVES

 

 

 

L’épiscopat clermontois avant, pendant et après la tourmente révolutionnaire (1780-1830)

 

Conférence de Jean Labbaye

professeur honoraire d’histoire et géographie et archiviste de l’évêché de Clermont, ancien élève

 

Situation à la veille de la Révolution.     Le diocèse de Clermont était alors fort vaste (12800km2), mais il faut dire qu’il va changer 4 fois de superficie en l’espace de 34 ans !

            Au service de ce diocèse -pour le clergé masculin- environ 1900 prêtres séculiers, et 380 religieux résidant dans 70 maisons, donc au total à peu près 2300 prêtres.

            L’œuvre du Concile de Trente avait porté ses effets et ce clergé était réputé sérieux, en progrès moral et intellectuel. Il ne faut pas oublier l’influence d’évêques de valeur, tel Massillon entre 1717 et 1742.

            Toutefois dès la deuxième moitié du XVIII° siècle, des fléchissements apparaissent : baisse des vocations, crise des établissements monastiques, et aussi l’influence de la philosophie des Lumières dont les idées nouvelles ont pénétré d’abord le clergé, avant d’atteindre noblesse et bourgeoisie.

 

L’évêque François de Bonal.   Il est à la tête de ce diocèse depuis 1776. Il est très attaché à la monarchie et à l’union du Trône et de l’Autel. Il a des relations personnelles avec la cour et la famille royale. Il mène une vie de grand seigneur, à la différence de ses prédécesseurs, et il entreprend de gros travaux dans son évêché. Mais n’oublions pas qu’ à cette époque, outre le culte, l’Eglise avait en charge l’enseignement, l’assistance, la santé et l’accueil des vieillards dans les hôpitaux..

             Malgré tout, l’évêque n’est pas tout puissant et il doit composer avec la grande influence de son chapitre cathédral et également avec  certaines institutions religieuses ou laïques qui ont des droits de nomination aux cures dans de nombreuses paroisses.

            Il n’empêche qu’une fronde se développe contre l’évêque, menée par des prêtres instruits et aux idées avancées (P.Grimaud, J.B.Monsestier, dom Gerle…) qui expriment moult revendications et réformes. Contre eux, l’évêque rédige un mandement où est dénoncé « le  poison d’une philosophie impie » !

            C’est dans cette atmosphère que se déroulent les élections aux Etats Généraux, et de Bonal est élu député.  A l’Assemblée constituante, il est un excellent orateur et il s’oppose fermement aux mesures décidées, et particulièrement à la Constitution civile du clergé, et avec encore plus d’ardeur au serment imposé aux ecclésiastiques le 27 novembre 1790.

            De Bonal va faire communiquer sa décision à son clergé. Et, comme dans toute la France, un schisme va opposer irrémédiablement le clergé jureur  (48% du clergé dans le Puy-de-Dôme) au clergé réfractaire qui refuse toute forme de serment.

            L’évêque reste cependant à Paris, mais il continuera néanmoins de diriger son diocèse par l’intermédiaire d’un Conseil ecclésiastique qui lui est très fidèle. La découverte de sa correspondance avec le roi l’oblige à changer fréquemment de domicile, mais il finit par être arrêté en 1795. Il est déporté dans un autre pays et choisit la Suisse. Puis sous la pression des autorités françaises, il est chassé de ce pays et se réfugie en 1799 en Allemagne à Munich, où il décèdera en septembre 1800

 

            Durant tout son exil ,il a fait preuve de fermeté, d’un grand souci afin de gouverner son ancien diocèse, d’une grande rectitude dans sa pensée religieuse. Tout cela lui a attiré respect et sympathie de la part de son clergé (du moins les réfractaires). Ce qui n’était pas le cas avant 1790.

 

Jean-François Périer.     De Bonal ayant été écarté, il a fallu mettre en place une nouvelle organisation dans le diocèse du Puy-de-Dôme. Et le 13 février 1791, l’assemblée électorale se réunit à la cathédrale et choisit J.F.Périer,oratorien, Supérieur du collège d’Effiat comme évêque constitutionnel du Puy-de-Dôme .

            C’est un homme discret et réservé qui va prendre en charge la direction du nouveau diocèse constitué uniquement de prêtres jureurs. S’il entretient de bonnes relations avec l’administration départementale, il devra se heurter à la fronde des prêtres réfractaires, du moins ceux qui avaient refusé de s’exiler. Il devra également affronter l’hostilité de De Bonal et son réseau de prêtres influents.

            A partir de 1793 et la politique anticléricale menée par les Montagnards, dont Couthon, Représentant en mission,, la situation de Périer devient beaucoup plus précaire tant avec les autorités politiques qu’avec son propre clergé qui fait défection (de nombreux prêtres se déprêtrisent). Il est même soupçonné fin 1793 et il doit partir trouver refuge à Grenoble, sa ville d’origine..

            Il est de retour en 1795 lorsque les passions politiques les plus vives se sont apaisées. Sous le Directoire, il s’efforce alors de réorganiser son diocèse mais les effectifs de son clergé ont fondu (il ne peut alors compter que sur environ 200 prêtres) et les ressources matérielles sont minimes du fait que l’Eglise est désormais séparée de l’Etat.

            Par contre, sous l’impulsion du réseau de De Bonal, le clergé réfractaire relève la tête et conserve une grande influence, notamment dans les campagnes. Avec le retour des prêtres d’exil, une renaissance religieuse se manifeste à partir de 1796-1797 sous l’impulsion de l’abbé Mathias, un fidèle de l’ancien évêque, et qui a reçu d’importants pouvoirs pour réorganiser l’Eglise réfractaire. A l’opposé, la position de J.F.Périer est de plus en plus précaire.

            Finalement c’est Bonaparte et la signature du Concordat avec le Pape en 1801 qui vont rétablir peu à peu  la paix religieuse.

            En 1802, Périer doit quitter Clermont pour être nommé évêque (légitime, cette fois) du diocèse d’Avignon. Il est un des rares évêque jureurs à être conservé dans le nouvel épiscopat désormais renouvelé. Il gouvernera avec bien des difficultés son nouveau diocèse, du fait de l’opposition de ses prêtres ex-réfractaires. Affaibli et découragé, il démissionnera en 1817 et décèdera en Avignon en 1824.

 

La reconstruction concordataire du diocèse avec Charles Duwalk de Dampierre.

 

            C’est un champenois, ancien vicaire général de Châlons, puis de Paris, qui est désigné comme évêque de Clermont par Bonaparte et avec l’approbation du Pape.

            Un homme accommodant, doué d’une forte personnalité, qui sait allier tact et modération. Il est nommé le 14 avril 1802 et il est accueilli à Clermont en juin suivant .Ce nouvel évêque va apporter autorité et diplomatie à l’œuvre de réorganisation du diocèse jusqu’à sa mort en 1833, soit une durée d’épiscopat de 31 ans qui sera bénéfique.

            Toutefois cet évêque devra affronter de multiples difficultés afin de mettre en place les structures d’un diocèse, car tout était désorganisé, et donc tout était à reprendre tant sur le plan spirituel que matériel.

            Si les autorités lui ont procuré une résidence dans l’actuelle rue Massillon, il doit assumer la charge de deux départements : le Puy-de-Dôme et l’Allier qui correspondent à l’étendue du nouveau diocèse (du moins jusqu’en 1823, date de l’érection du diocèse de Moulins).

            Une autre difficulté fut d’arbitrer et d’apaiser les problèmes posés par la cohabitation des deux clergés (ex-réfractaire et ex-jureur) et de procéder à leur affectation. Il faudra au moins deux bonnes années de difficiles tractations pour arriver à une répartition à peu près acceptable. Mais celle-ci s’est faite au profit du clergé réfractaire : il n’y a que 17% d’ex-jureurs dans la composition totale du nouveau clergé ! L’avantage en faveur des prêtres dits fidèles est manifeste, et on peut noter ici l’influence puissante de l’ancien réseau de De Bonal sur les choix opérés par Duwalk ainsi que sur l’administration. préfectorale.

            Afin d’avoir de jeunes prêtres, l’évêque dut se démener avec l’administration afin d’obtenir la création d’un Grand séminaire à Montferrand en 1808 (aujourd’hui  une partie du musée Roger Quilliot) et l’établissement d’un Petit séminaire (correspondant actuellement au collège Massillon) en 1811.

            Mais un de ses plus grands soucis fut la restauration matérielle des paroisses car pendant douze ans le patrimoine religieux avait été gravement endommagé (par exemple, sur 353 communes, 115 églises étaient en très mauvais état ou en ruines), et il fallut en même temps procéder à une nouvelle répartition des paroisses et délimiter le territoire de chacune. Une tâche rude !

            Malgré tout, sous l’impulsion du long épiscopat de Duwalk, le nouveau diocèse se reconstruisit.

 

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            En conclusion, nous avons pu voir trois figures de prélats bien différentes. Pourtant une même foi les imprégnait (car s’il y eut schisme, il n’y a pas eu hérésie !). Tous les trois, ils ont souffert , mais à leur manière ils ont marqué leur sillon dans notre département au sein d’une époque bien mouvementée et parfois tragique.

 

Conférence prononcée le 31 janvier 2006

 

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